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Le Bourgmestre d’Ixelles parle de la difficile voie de changement de la réflexion sur l'environnement, la participation citoyenne et les projets sociales de la commune Bruxelloise
Depuis Décembre 2018, Christos Doulkeridis est le Bourgmestre d’Ixelles, commune au sein de la Région Bruxelles. Membre du parti ECOLO depuis 1988, il a travaillé comme Secrétaire d'État au Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, Ministre au Gouvernement francophone bruxellois, Député aux Parlements de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Fédération Wallonie Bruxelles et président du groupe ECOLO.
Monsieur Doulkeridis, les sujets environnementaux gagnent rapidement en popularité dans le monde entier et le succès des Verts aux élections locales en Belgique reflète cette tendance. Veuillez commenter sur les changements et les innovations prévues qui vont transformer Ixelles et stimuler ses résidents à vivre d’une manière plus responsable.
Vous dites que les sujets environnementaux progressent très rapidement, mais quand on est un militant écologiste on ne dirait pas ça. Parce que ça fait des années que nous tirons la sonnette d’alarme et que nous essayons de venir avec des propositions structurelles pour pouvoir effectivement tenir compte de ce danger, mais aussi des opportunités que constitue le défi climatique et que nous sommes généralement un peu moquées, ralliées, parfois même ridiculisés... Donc, on a souffert pendant longtemps du Syndrome de Cassandre, d’une certaine façon. Cassandre pour la mythologie c’était une femme qui pouvait prévoir l’avenir, mais elle avait reçu un sort qui vise en sorte qu’on ne la croyait pas. Donc, on a dû dépasser ce mythe de Cassandre et devenir convaincant. En Belgique nous avons la chance d’avoir pu, en tant qu’écologistes, participer à des gouvernements, qui ont commencé à installer un certain nombre de mesures déjà, pas au degré d’urgence telle que nous aurions souhaités, mais néanmoins des mesures qui avancent.
Moi, j’étais Ministre de logement pendant cinq ans entre 2009 et 2014. Par exemple dans le logement, j’ai fait en sorte que tous les logements sociaux deviennent des logements construits avec la norme passive, qui permet de très fortement diminuer le besoin de gaz et de pétrole pour pouvoir s’échauffer. On a déjà pris des premières mesures à la mobilité, mais l’écologie, c’était considérée chaque fois par les autres partis comme priorité après d’autres enjeux – l’institutionnel, l’emploie ou l’économie. Ou parfois même le social en opposant à des choses qui normalement ne doivent pas être opposées.
Mais, il est vrai que ces derniers temps, il y a une prise de conscience qui est devenue très importante et très large, qui est partagée et donc, c’est une opportunité extraordinaire de pouvoir prendre des mesures un peu structurelles, pour inverser la tendance.
Je suis convaincu que les municipalités ont un rôle important à jouer dans ce sens-là. Pas seules, évidemment, parce qu’il y a aussi une question de moyens, et puis il y a une question de cohérence. Surtout quand on est dans une région comme Bruxelles, on ne peut pas être tout seul. Les politiques doivent être cohérentes avec ce qui se fait à côté, si on veut être efficaces aussi. Voilà, nous, nous avons mis sur la table l’enjeu de l’alimentation, l’enjeu de la mobilité, l’enjeu de la qualité de l’air, l’enjeu de ce qu’on boit, de ce qu’on respire, de ce qu’on mange, qui sont des besoins vitaux, et sur lesquelles les pouvoirs, notamment locaux, ont une action qui est possible.
Donc, mon rôle, en tant que Maire, c’est d’installer des processus participatifs, avec la population aussi, qui permettent de changer la tendance d’une manière très claire. Pour ça, il faut le faire avec le soutien des administrations qui elles-mêmes doivent s’adapter. Quand on vient dans une administration comme celle ici, on se rend compte qu’il y a peu de personnel qui s’occupe de ces questions-là, la question de l’environnement, la question des espaces verts, la question de la qualité de l’air, la question de la transition écologique, la question de la participation. Il y a très peu de personnel qui est formé pour pouvoir avancer là-dedans. Donc, le premier enjeu, c’est d’inverser l’équilibre dans le budget, mais ça prend du temps, par ce que ce n’est pas comme si les autres fonctions n’étaient pas importantes et qu’on pouvait les supprimer. Donc, on doit continuer ça, mais on doit renforcer d’autres choses.
Et donc, cela ne fait que deux mois et demi que nous sommes présents et que moi je suis présent dans cette fonction, mais je n’arrête pas de rencontrer des acteurs qui sont déjà dans la logique de la transition. Parce que ce qui est intéressent, c’est que sur le terrain, il y a énormément d’acteurs, des associations ou parfois des entreprises, qui sont dans la transition écologique et qui font des choses intéressantes, mais qui ont besoin d’un petit coup de pouce, d’une cohérence, que les politiques ont un rôle de facilitateurs pour leur permettre de vraiment prendre toutes les mesures.
Donc, c’est ça qu’on est en train de faire, pour pouvoir rendre les choses significatives, structurelles, avec des résultats qui sont mesurables, mais la mise en place de la transition prend un peu de temps et c’est normal.
Ma deuxième question concerne les avantages et les désavantages liés à cette proximité à Bruxelles, tels que le prix élevé des logements, le trafic, une collision entre des styles de vie très différents. Quels sont les points principaux de votre programme à cet égard ?
Pour pouvoir faire des changements structurels, il faut qu’ils soient acceptés par le plus grand nombre. Il faut que l’administration soit avec nous pour préparer ces changements. Il faut que les habitants, les usagers, soient avec nous aussi pour les accepter. Et parfois pour les construire avec nous. Donc, il faut prendre du temps en amont, pour expliquer pourquoi est-ce qu’on doit changer les choses, pourquoi est-ce qu’on doit changer la mobilité, par rapport à l’objectif d’améliorer la qualité de l’air, par objectif de ne pas perdre du temps dans les embouteillages, tels qu’ils existent actuellement.
Et puis, il faut tenir compte de toute une série de situations particulières qui sont légitimes. Il y a des gens qui ont besoin de continuer avoir un véhicule. Et chaque changement apporte son lot de perturbations. On est en train de changer le Chaussée d’Ixelles, elle est bloquée depuis des mois, pour les commerçants, c’est très difficile… Cela crée beaucoup de soucis et il faut accepter que la transition pendant un moment, elle va produire aussi des effets négatifs ou des problèmes. Mais il faut être déterminé sur l’objectif. L’objectif, il faut toujours le rappeler, c’est la qualité de l’air qu’on respire, c’est comment est-ce qu’on va mieux se déplacer. Et donc, notre rôle, c’est de maintenir l’objectif, mais aussi de tenir compte des difficultés qu’éprouvent les gens dans cette période de transition et d’expliquer pourquoi on fait les choses. C’est ça qui prend du temps et beaucoup d’énergie. Il faut être créatifs et il ne faut pas avoir l’impression que nous seuls, nous avons toutes les réponses de notre côté. Il faut aussi se faire référer à des gens qui ont plus d’expérience dans ce domaine et qui ont d’autre types de compétences que celles qu’on peut trouver chez nous ici dans l’administration pour pouvoir être efficace.
Dans cette ligne de pensée, veuillez expliquer quels projets visent à améliorer la représentativité et la participation des citoyens, y compris les maisons des habitants dans chaque quartier et la modification de l'article 60 du Règlement d’ordre intérieur du Conseil communal (ROI).
En fait, la démocratie et la représentativité, ce n’est pas là que le problème existe le plus. Nous sommes élus de manière très représentative, par rapport à d’autres systèmes qui existent dans d’autres pays, les élections sont à la proportionnelle et donc chaque parti reçoit grosso modo les résultats de sa représentativité électorale. Par contre, ce qui doit être renforcé, c’est les mécanismes de participation, ou parfois de co-construction des habitants au processus de décision, indépendamment des élections. Nous travaillons beaucoup avec les comités de quartier, que nous consultons de manière très régulière, par rapport à des problèmes, nos portes sont ouvertes pour les rencontrer, pour les écouter, pour pouvoir trouver les solutions en véhicule.
Il y a des grands chantiers sur lesquelles on va travailler et pour lesquels on veut les consulter aussi, entendre leurs propositions, leur présenter nos pistes, se laisser influencer par leurs idées. C’est une attitude qui est très importante et que nous mettons en place déjà depuis le début de la législature. Le résultat, c’est qu’on ne peut pas satisfaire toujours tout le monde, mais on a toujours l’occasion d’expliquer pourquoi on veut des changements, de créer de la cohésion sur les objectifs, de se renforcer et de recevoir aussi l’expertise de ces habitants et ces usagers qui connaissent une certaine réalité, que nous ne pouvons pas toujours connaitre. C’est extrêmement important.
La progression des maisons des habitants, elle est un peu différente. Elle sert aussi à accueillir et à donner des lieux pour que les habitants puissent se réunir et éventuellement former des projets. Mais aussi, pour améliorer leur cadre de vie, la convivialité dans le quartier. Je viens juste d’une réunion où j’ai été pour visiter ce que je considère comme une maison des habitants, mais qui n’a pas encore le label. C’est une idée nouvelle, que j’ai déposé moi-même pendant la campagne électorale et qui, je remarque, marche très bien, tout le monde en parle de ce concept de Maison des habitants.
Ici, c’était un logement qui a été mis à disposition d’une association. Et les habitants occupent ce logement, ils viennent cuisiner, ils viennent se rencontrer, porter des projets, jouer, il y a plein de projets différents qui se font dans cette maison-là. C’est ça la maison des habitants. C'est un lieu commun pour les gens du quartier. Parce que finalement une commune, c’est quoi ? C’est les la communauté des habitant.e.s d’une espace géographique et c’est normale qu’ils aient des endroits où ils peuvent se retrouver et mieux se connaitre. Ça renforce la sécurité, ça renforce la convivialité et le fait de se sentir bien dans son quartier…
L’article 60, c’est que dans une démocratie, une démocratie toujours plus forte quand on respecte bien ces minorités, les règles qu’on avait pour travailler au niveau des commissions, faisaient en sorte que finalement les petits groupes d’opposition étaient exclues des commissions. J’ai fait la proposition de modifier ce Règlement, pour que chaque groupe politique même s’il est tout petit, peut avoir un représentant. C’est important de ne pas avoir peur de l’opposition, des petits groupes, parce que la démocratie, elle s’enrichit de sa diversité.
Vous avez sans aucun doute une tâche difficile : transformer le quartier Matongé, qui connaît des difficultés avec la délinquance et la qualité de vie en général. Dans quelle mesure ce changement est-il possible et quelles solutions la Coalition entend appliquer dans les années à venir ?
Matongé est un des quartiers les plus connus non pas seulement à Bruxelles, mais aussi en Belgique et à l’étranger en fait, parce que dans la communauté africaine les gens connaissent bien Matongé. Parce que c’est un point de rendez-vous de la communauté africaine à Bruxelles et en Belgique. Ce n’est pas un quartier où habite particulièrement la communauté africaine, mais c’est un quartier qu’ils fréquentent. Les magasins, les restaurants, les associations, les centres culturels et tout ça.
Moi, j’habite tout près de ce quartier et j’apprécie beaucoup ce quartier. Simplement, je fais le constat que généralement les femmes et les hommes politiques l’ont présenté toujours de manière assez négative, ce quartier. Je ne nie pas le problème. Il y a des problèmes, comme dans d’autres quartiers. Mais, pour moi, ça ne va pas qu’on présent ce quartier systématiquement d’une manière négative. Ce qui est important pour moi, c’est à la fois de faire les contrôles qui sont nécessaires chaque fois qu’il y a un problème, … mais aussi d’apporter de l’ambition dans ce quartier, de venir avec des projets positifs, qui associent l’image de Matongé à des connotations plus positives sur le plan culturel, sur le plan gastronomique, sur le plan artistique, sur le plan économique. Et c’est dans ce sens là que j’ai envie de travailler parce que c’est un quartier qui est un peu stigmatisé, je pense que ce n’est pas normale de faire ça. Donc, nous allons venir avec des propositions qui chaque fois en une collaboration avec les acteurs locaux, renforcent positivement l’image de ce quartier avec les forces et les pointes fortes qui existent déjà.
Vous pourriez peut-être expliquer pourquoi c’est important d’avoir une plateforme comme TheMayor.EU, qui cherche à mettre en contact les municipalités européennes ?
Moi je pense que dans le monde, les réseaux sont importants. Malheureusement en étant dans la politique, comme j’ai été député, j’ai été ministre, je me suis rendu compte qu’une chose a été abimée : c’est l’importance de faire des missions parlementaires, des missions politiques à l’étranger, pour aller voir ce qui se passe de bien ou pour rencontrer d’autres acteurs qui essaient d’avoir les mêmes objectifs que soi pour justement se renforcer par leur expérience, par leurs idées. Malheureusement parce que certains femmes et hommes politiques ont utilisé ça pour faire des voyages de plaisir et non pas des voyages en mission politique, ça a été très critiqué et finalement, on a presque supprimé toutes ces collaborations-là, alors que je pense que c’est tout à fait indispensable d’aller voir ce qui se passe de bien ailleurs et de partager soi-même ce qu’on a pu réussir avec d’autres pour s’enrichir. Donc, tous les réseaux ou toutes les formes de réseaux, bien qu’ils soient réels ou virtuelles, sont positives, parce qu’ils permettent justement de sortir de son trou, de ne pas avoir l’impression qu’on a toutes les réalités et toutes les vérités de son côté et qu’on est les seuls à avoir été confrontés à des certaines problèmes…
Finalement, pourriez-vous dire quelques mots sur les grands projets et innovations en 2019 ?
J’avais dit qu’en tant que maire, je m’opposerai à tout dispositif de mobilier qui soit anti sans-abri, anti SDF et je trouve que c’est très important. Un maire est là pour trouver des solutions pour tout le monde. On ne peut pas prendre des solutions qui visent juste à cacher la misère ou à fermer des yeux par rapport à ça. Notre responsabilité des maires, c’est non pas d’être créatifs en encourageant des sociétés à créer de mobiliers urbains qui empêchent de se coucher sur un banc ou sur un trottoir, parce que les gens se retrouvent dans une situation qui est devenue impossible dans leurs vies, mais plutôt d’essayer de trouver des solutions, pour que ces personnes aient le soutient qu’ils méritent pour pouvoir s’en sortir et passer cette étape si douloureuse de leurs vies. Donc, un point aussi important, c’est que les maires doivent aussi s’engager à ne pas simplement fermer les yeux face à l’expression d’une misère, mais doivent la regarder en face et au contraire - essayer de trouver des solutions concrètes, même si c’est difficile.
Le 20 Février 2019, Commune d’Ixelles
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