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Interview avec David Lisnard, Maire de Cannes
David Lisnard est Maire de Cannes depuis 2014 (réélu en 2020), Vice-Président du Département des Alpes-Maritimes depuis 2015 et Président de l’agglomération Cannes Lérins depuis 2017. Il est également Vice-Président et porte-parole de l’Association des Maires de France depuis 2017.
Sous l’impulsion de la Municipalité, Cannes a été profondément transformée au cours de ces 20 dernières années.
Comme les entreprises, les territoires, particulièrement ceux dont l’économie repose en grande partie sur le tourisme, sont soumis à une concurrence accrue qui les pousse à l’excellence.
Cannes accueille en effet plus de 3 millions de visiteurs par an et est la première ville française hors Paris pour l’accueil des grands salons professionnels d’envergure internationale ; 25% du PIB de Cannes reposent sur le tourisme dont plus de 50% sur le tourisme d’affaires.
Afin de maintenir l’attractivité de la destination Cannes, nous devons offrir aux habitants, entreprises, investisseurs et visiteurs, un cadre de vie et des conditions d’accueil à la hauteur de leurs attentes.
C’est pourquoi la Mairie de Cannes a entrepris un ambitieux programme de travaux structurants de modernisation et d’embellissement des bâtiments, équipements et infrastructures dont elle a la responsabilité.
Il serait trop long d’en dresser ici la liste et je n’en donnerai donc que quelques exemples : la gare de Cannes a été entièrement rénovée, l’hôpital de Cannes- Simone Veil a été totalement reconstruit, des lignes de Bus à Haut Niveau de Service desservent Cannes depuis 2013 afin d’encourager la mobilité durable.
Les plages de la Croisette, à proximité immédiate du Palais des Festivals et des Congrès, et élément central du tourisme d’affaires et de loisirs à Cannes, ont bénéficié en 2018 et 2019 de l’apport de 110.000 m3 de sables supplémentaires, ce qui a permis de doubler leur profondeur qui atteint désormais 40 mètres.
A l’ouest de Cannes, un vaste projet d’embellissement du littoral nommé Boccacabana a été initié en 2017 et se poursuivra jusqu’en 2025.
Boccacabana : la phase 3 du projet d’embellissement du littoral inaugurée.
Image : Mairie de Cannes
Un multiplexe cinématographique de 12 salles et de 2.450 fauteuils conçu par l’architecte mondialement connu Rudy Ricciotti, a été inauguré en août 2021 ; il est équipé des meilleures technologies de projection avec une grande salle de 501 places dotée d’un écran géant de la taille d'un terrain de tennis et de 84 hauts parleurs qui offrent un son immersif.
En sus de ces opérations de travaux, un plan de lutte contre l’incivisme, inédit par son ampleur, a été lancé depuis 2014, et a permis, en associant les citoyens dans une démarche participative, de rendre la ville plus propre et plus accueillante.
Bien sûr, la sécurité est également une priorité pour garantir un cadre de vie apaisé : Cannes possède ainsi le réseau le plus dense de caméras de vidéosurveillance en France avec 713 caméras soit une caméra pour 105 habitants.
Cannes, qui par sa situation géographique en bord de mer et son attractivité (la population de Cannes est triplée en période estivale et lors des congrès) est exposée à tous les risques majeurs possibles, quelle que soit leur origine (naturelle, humaine, sanitaire, technologique) a mis en place depuis 2014 une politique proactive de gestion des risques majeurs qui lui a permis notamment de limiter l’impact des très fortes inondations que la commune a subies en octobre 2015 et par deux fois en décembre 2019 (notamment, une flotte de capteurs permet de détecter les « crues éclair »).
Enfin, la municipalité a renforcé considérablement sa politique de développement durable et en particulier de protection de l’environnement par des actions concrètes et des dispositifs multiples. A titre d’exemple, la Mairie a décidé, dans le cadre du nouveau Plan Local d’Urbanisme, de sanctuariser certaines zones et certains quartiers de la commune pour limiter les constructions bâties voire les interdire sur certains sites naturels préservés (comme les îles de Lérins).
En résumé, en 20 ans, Cannes, tout en cultivant son identité provençale et méditerranéenne, est devenue, nous l’espérons, plus belle, plus propre, plus sûre, plus attractive, plus responsable et plus résiliente, donc davantage protectrice des générations futures.
La vaste zone de plage est une source de fierté pour la ville française. Image: Mairie de Cannes
Là encore, il serait trop long de dérouler la liste des projets de ce second mandat qui, bien que très divers - la clause de compétence générale dont bénéficient les Communes françaises les amenant à intervenir dans de multiples domaines - ont évidemment tous leur importance.
Nous continuons d’embellir la ville, de la rendre encore plus dynamique, attractive et agréable à vivre, de valoriser notre littoral, de protéger encore davantage notre environnement sans tomber dans une écologie punitive qui fait prévaloir l’idéologie sur le réel, de renforcer l’accès à la culture pour tous via la politique « 100% Education Artistique et Culturelle », dont la Ville de Cannes est pionnière, de développer l’économie créative, de promouvoir le développement de la filière spatiale, de valoriser le territoire avec notamment la création d’un pôle d’excellence nautique, etc.
J’en développerai néanmoins quelques-uns :
Cette filière intègre, notamment :
Il serait inexact et présomptueux de prétendre que la crise sanitaire et économique n’affecte pas les projets de ce second mandat, d’une part, parce que les coûts induits pas cette crise impactent le budget communal et, d’autre part, car les mesures de confinement et les incertitudes liées à la pandémie sont source de retard, d’hésitation voire de renoncement à investir de la part de certains partenaires publics et privés.
Toutefois, la mise en place en 2014 d’une politique volontariste de lutte contre les risques majeurs, avec la création d’une délégation municipale dédiée, nous a permis de répondre efficacement et rapidement aux conséquences de la crise sanitaire, malgré les défaillances de l’Etat : en protégeant la population (dès le début de la pandémie en mars 2020, la Mairie de Cannes disposait d’un stock de masques et a créé sa propre fabrique de masques, et, en janvier 2021, nous avons ouvert le premier vaccinodrome en France malgré l’opposition du Ministre de la Santé français) mais aussi en aidant les commerçants et le tissu économique local par divers dispositifs de soutien (actions de promotion, exonérations de taxes, de redevances et loyers, etc.)
Aussi, malgré l’impact de la pandémie sur le budget communal, estimé à 21 millions d’euros, soit près de 10% du budget de fonctionnement annuel de la Commune, grâce à une gestion saine des finances communales, d’ailleurs reconnue par la Chambre Régionale des Comptes en janvier 2018, nous poursuivons le programme d’investissements sur lequel la Municipalité s’est engagée tout en protégeant le contribuable cannois, sans augmenter les impôts communaux.
En janvier 2021, Cannes a ouvert le premier vaccinodrome en France. Image: Mairie de Cannes
En octobre 2020, Cannes est devenu l'un des derniers membres d'ICLEI – Local Governments for Sustainability. Quels étaient vos objectifs en rejoignant ce réseau mondial majeur de gouvernements locaux et régionaux engagés dans le développement durable ? Pourquoi à cette échéance ?
Cannes mène depuis 2014 une politique volontariste et méthodique en matière de développement durable, qui couvre une grande partie des 17 Objectifs de Développement Durable définis par l’Unesco.
L’adhésion à l’ICLEI s’inscrit donc dans la continuité et en parfaite cohérence avec cette politique.
En adhérant à l’ICLEI, Cannes vise trois objectifs principaux :
Le problème de cette mesure est qu’elle est très pénalisante pour les citoyens et très peu efficace pour la planète. Compte tenu des critères retenus par le décret du 17 septembre 2020 qui étend cette interdiction aux agglomérations de plus de 150.000 habitants, ce sont des millions de Français qui seront interdits de se déplacer.
La lutte contre la pollution de l’air est une ardente et urgente nécessité, qui ne peut se contenter de mesures d’affichage à la fois très peu efficaces et très pénalisantes pour nombre d’habitants.
En raison des avantages liés au diesel par rapport aux voitures essence - coût moindre du gazole, plus faible consommation de carburant, entretien moins onéreux, durée de vie plus longue – nombreux sont encore les automobilistes qui achètent ce type de véhicules nonobstant une diminution certaine des ventes en parts de marché dans le neuf comme dans l’occasion. En 2020, les ventes de voitures neuves diesels représentaient encore 30% de parts de marché, soit 495 000 véhicules.
Et ce sont toujours les mêmes qui subissent des mesures prises sous couvert moral de transition écologique : les plus jeunes qui ont acheté une voiture souvent ancienne, les personnes à faibles revenus, les classes moyennes qui ont fait l’effort inutile de changer de voiture en achetant un véhicule diesel récent doté de filtres.
La transition écologique, qui est un enjeu mondial majeur, pour le bien de la planète, de la santé et de la qualité de vie de tous ne doit pas être assimilée systématiquement à une sanction. La France est un des pays qui possède l’un des meilleurs bilans carbone au monde grâce au nucléaire et dans une moindre mesure à l’hydroélectrique ; il faut cesser de culpabiliser les Français en permanence et s’attaquer aux vraies sources de pollution atmosphérique.
Le combat urgent et prioritaire pour l’environnement, et notamment pour lutter contre la part anthropique du réchauffement climatique, les particules fines et les atteintes à la biodiversité, nécessite une tout autre approche que les logiques démagogiques, punitives et paternalistes. Ce dogmatisme, qui conduit par exemple le gouvernement à démembrer notre filière nucléaire, va coûter cher à notre pays en termes écologique, financier et stratégique.
Il faut en sortir par une démarche scientifique, civique et industrielle. Des efforts importants doivent notamment être engagés en recherche et développement pour projeter l’industrie automobile française vers l’avenir. Seules en effet des innovations technologiques en matière de modes de déplacement propres lui permettront d’être compétitive dans un secteur hautement concurrentiel à l’échelle mondiale.
Si l’on veut que l’écologie soit l’affaire de tous, il n’est pas possible d’exclure des millions de Français d’une partie du territoire national au prétexte qu’ils n’ont pas les moyens de posséder rapidement un véhicule répondant à telle ou telle norme et sans leur donner la possibilité d’en acquérir un autre dans des délais raisonnables.
En résumé, l’écologie punitive est une écologie qui prétend répondre aux enjeux environnementaux en portant atteinte aux libertés. A l’inverse, l’écologie positive que je défends vise à soutenir les initiatives afin de faire face à ces mêmes enjeux.
Cannes fait ainsi partie des rares collectivités à avoir mis en place le disque vert européen qui permet aux propriétaires de véhicules propres de bénéficier de deux heures de stationnement gratuit.
L’écologie positive mise en œuvre à Cannes et dans son agglomération consiste à développer le réseau de bornes de recharge pour les véhicules électriques, aménager des pistes cyclables, améliorer les transports en commun (création de lignes BHNS) ou encore créer une unité de production d’hydrogène pour rendre possible à terme la circulation de transports urbains zéro carbone sur l’ensemble du territoire intercommunal.
En France, malgré les premières lois de décentralisation qui datent de 1982, le fonctionnement de l’administration française reste très « jacobin » et très centralisé. Le phénomène s’est même accéléré ces dernières années.
Beaucoup de décisions des collectivités territoriales sont soumises à l’agrément préalable des services déconcentrés de l’Etat tels que les Directions Régionales de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement, les Direction départementale des territoires et de la mer, ou l’Architecte des Bâtiments de France, dépendant du Ministère de la Culture.
Or, force est de constater que cette organisation est inefficiente. La gestion désastreuse de la crise sanitaire en a été malheureusement une triste manifestation.
De fait, cette crise a d’abord révélé l’obésité de l’État, de son incapacité à être à la hauteur des enjeux locaux, à les comprendre et à être assez agile et réactif pour agir en fonction des besoins immédiats. Nous avons été les témoins de ce qu’engendre l’union entre la bureaucratie et la technocratie : une administration sclérosée, notamment au niveau des agences déconcentrées qui échappent à l’arbitrage du préfet et sont quasiment « hors-sol ».
Ce qu’a révélé cette crise, c’est aussi que l’organisation actuelle des pouvoirs publics était défaillante du fait de ce que j’appelle une « subsidiarité inversée » qui voit les collectivités locales devoir s’emparer de compétences nouvelles pour pallier les défaillances de l’État sans bénéficier pour autant des moyens juridiques, humains et financiers qui devraient aller de pair. Or, nous avons besoin d’une vraie subsidiarité : ce qui peut être fait à l’échelle locale doit l’être avant de passer à l’échelon supérieur, à l’exception des missions régaliennes (comme la sécurité et la justice) qui doivent rester du ressort de l’État et sur lesquelles il doit être fort.
C’est pourquoi je plaide effectivement pour retrouver le sens de la subsidiarité et renforcer la décentralisation en vertu d’une logique non plus de contrôle par les services de l’Etat a priori mais de contrôles a posteriori sur le respect de la loi.
Il faudrait pour cela donner plus d’autonomie donc davantage de responsabilités aux élus locaux pour qu’ils puissent réellement avoir la capacité d’agir efficacement, ce qui suppose également de renforcer l’autonomie financière et fiscale des collectivités.
Je vous donnerai deux exemples de ce que les villes françaises pourraient faire plus et mieux pour assurer un développement urbain durable si elles étaient dotées de plus de pouvoirs.
Actuellement, lorsque les policiers municipaux, dont le salaire est financé par le contribuable cannois, dressent des procès-verbaux à l’encontre de contrevenants pour un acte d’incivisme (stationnement sur un emplacement réservé aux personnes à mobilité réduite, dépôt d’encombrant sur la voie publique, déjection canine, jet de mégot ou miction sur la voie publique, etc.), les amendes payées par les contrevenants sont perçues par l’Etat, alors que la Commune, outre le salaire de ses policiers, assume les dépenses de réparation de ces actes d’incivisme (nettoiement a minima). Si la Commune percevait le produit de ces amendes, ces recettes permettraient de financer des actions supplémentaires pour promouvoir le civisme environnemental.
S’agissant plus particulièrement de la préservation du patrimoine naturel (qualité de l’air et de l’eau, protection de la flore et de la faune marines) un pouvoir de police spéciale environnementale donné aux Maires des communes littorales en matière de navigation maritime sur le plan d’eau limitrophe des côtes serait une avancée majeure afin de contrôler les navires naviguant et mouillant au large du littoral communal et pouvoir les sanctionner en cas de non-respect des normes environnementales.
En effet, actuellement, les services de l’Etat n’effectuent aucun contrôle sur les unités de plus de 80 mètres mouillant en baie de Cannes pour vérifier si l’activité de ces navires n’engendre pas une pollution de la qualité de l’air et de l’eau ou une dégradation des fonds marins.
Or, la Méditerranée est soumise à d’énormes pressions en termes de pollutions. Aussi, l’urgence environnementale et climatique commande d’agir sans délai pour préserver l’écosystème méditerranéen marin et terrestre, d’une part, en renforçant la règlementation nationale et internationale en matière de lutte contre la pollution générée par les navires et, d’autre part, en accordant davantage de marges de manœuvre aux collectivités locales, en application du principe de subsidiarité écologique, afin de leur ouvrir, dans une approche éco-responsable, le droit de mettre en œuvre une règlementation locale contre la pollution en mer plus contraignante que la législation nationale et de donner aux Maires le pouvoir de faire respecter cette règlementation.
Je sais que beaucoup de maires européens sont très actifs, innovants et performants et matière environnementale.
A Cannes, nous avons créé des campagnes de communication et d’affichage relatives au plan de lutte contre l’incivisme qui ont été reprises par de nombreuses collectivités françaises et étrangères.
En particulier, le lancement de la campagne d’affichage « Ici commence la Mer ! » en 2015 avec, depuis mars 2018, l’installation de plaques signalétiques en lave émaillée partout dans la ville, fixées au sol à proximité des avaloirs d’eau pluviale pour dissuader les passants de jeter leurs déchets sur la voie publique, a été copiée par de très nombreux territoires sur la côte atlantique et méditerranéenne, jusqu’à Paris et même en Belgique. Actuellement, 200 plaques sont déjà posées ; à terme, il y en aura 800 réparties sur les lieux de passage du public.
Des plaques signalétiques en lave émaillée qui disent "Ici commence la mer, ne rien jeter" peuvent être vues partout à Cannes. Image: Mairie de Cannes
Par ailleurs, parmi nos actions les plus facilement « réplicables », on peut citer les suivantes :
La Mairie de Cannes a reçu, jeudi 26 novembre, le 1er Grand Prix de la propreté urbaine sous la thématique « Développement durable », décerné par les 180 communes membres de l’Association des Villes pour la Propreté Urbaine (AVPU). Video : Mairie de Cannes
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